Bienvenue sur le site du peintre aviateur Edmond Astruc

La vie de l'artiste

Biographie sommaire

Un grand peintre aviateur et un extraordinaire témoin de son temps

Né le 4 novembre 1878, rue Guintrand (quartier du Panier) à Marseille, il fait ses études au Lycée Thiers, puis à l’Ecole des Beaux-arts, tout en travaillant avec son père, le matin, à la tannerie-maroquinerie familiale.

Il veut être artiste peintre, ses premières aquarelles datent de 1888, il a 10 ans.

Cela ne l’empêche pas de faire de l’aviron, de la voile, puis du ski et de la moto. De nombreuses médailles témoignent de cette activité sportive. En 1906, il construit son premier avion le "pou du ciel" qu’il casse au décollage faute de place. Il recommence. En 1913, il a un grave accident sur un "Henriot" à l’aérodrome de Reims. En juillet 1914, il effectue la remontée du Rhône en hydroglisseur, pour le compte d’Henri Fabre, jusqu’à Aix-les-Bains.

Pendant la guerre de 1914-1918, il est pilote d’essai à Toulon puis à Saint Raphaël. Après la guerre, il retourne à la peinture.

"Cette époque de ma vie, raconte t-il, passée dans l’aviation, le contact continuel avec les grands espaces du ciel et de la mer, avaient rajeuni et épuré ma vision, je revenais à la clarté, à la lumière et à l’atmosphère de mes premières années de peinture."

Il participe à de nombreuses expositions à Marseille, Paris, Alger, Lyon, Grenoble, Genève, Aix-en-Provence… et participe chaque année de 1930 à 1939, puis après en 1946, au Salon des Artistes de Provence où il a de nombreux prix et en particulier le prix Desplace.
Quelques oeuvres sont achetées par le Conseil Général, le musées Cantini et Longchamp.

En 1936, il est élu à l’Académie de Marseille, classe des Arts. Pendant la guerre de 1939-1945, il est mobilisé volontaire — il a déjà 61ans — dans l’aviation comme agent technique de la SNCAE. Sous l’Occupation, il peint avec ardeur, et réussit à faire vivre sa femme et ses deux filles, malgré les difficiles conditions de l’époque.
Il achète une vieille bastide au Roucas-Blanc à Marseille où il installe son atelier.
Il continue à exposer.

En 1952, il présente à la Galerie Moulot, "55 ans de peinture du peintre marseillais Edmond ASTRUC" où l’on peut suivre toute l’évolution de son art, depuis ses premières aquarelles jusqu’à la dernière à ce jour : "le porche de la Mairie de Marseille".

En 1959, il construit un catamaran sur le modèle de deux flotteurs d’hydravion (il a 81 ans) et part de Marseille en suivant la Côte. Il est accueilli à l’Île de Bendor, chez Ricard, puis aux Embiez et rejoint la plage de la Favière à Bormes-les-Mimosas. A bord, il a placé sa boîte de peinture : il dessine et peint dès qu’il arrive.

Le 9 janvier 1977, il travaille dans son atelier à une grande toile "La Favière".
Il est un peu enrhumé. La toile reste inachevée. Il s’éteint doucement le 11 janvier.
Il a 99 ans.

L’artiste peintre

Le mariage de la peinture et de l’aviation

Depuis 1906, Edmond Astruc expose avec succès à Marseille d’abord, puis à Avignon et à Paris. Mais par la suite, il n’arrive pas à terminer une grande toile représentant des poissonnières sur le Vieux Port de Marseille. Ayant appris à cette même époque le premier vol réussi par Wilbur Wright, il s’enthousiasme pour cette nouvelle aventure.

"Cet amour de la peinture et de l’aviation doit avoir une raison. Les artistes ont toujours désiré s’élever au dessus du terre à terre. Sans parler des dessins admirables de l’homme-oiseau de Léonard de Vincy, les premiers aviateurs Farman, Delagrange étaient des élèves de l’école des Beaux-Arts de Paris."
Astruc, peignant sur les quais du port de Cassis.
Photo prise par Emile Rastoin en juin 1937.
L’évolution vers la maturité

La guerre de 14-18 terminée, après une intense activité de pilote d’essais sur avions et hydravions, Edmond Astruc, partage sa vie entre Marseille et sa petite ferme de La Favière près de Bormes (Var), où il décide de se faire "peintre-paysan" et de "cultiver la peinture et la vigne" comme il disait.

"Cette époque de ma vie passée dans l’aviation avait rajeuni et épuré ma vision. Je revenais à la clarté et à la lumineuse atmosphère de mes premières années de peintre où à l’école des Beaux-Arts, le directeur et professeur de peinture Alphonse Moutte disait en regardant ma peinture : "voilà le peintre du printemps", ou quand je cherchais l’atmosphère enfumée de l’atelier : "le peintre du brouillard"."

Astruc a aussi été influencé par la première exposition de Monticelli au Cercle Artistique, influence subie aussi par d’autres jeunes peintres marseillais comme Carrera, Bichebé, Agnelli, Mathieu Verdihan à sa première époque. Laissons-lui encore la parole :

"J’avais réalisé mes toiles d’Allauch en tons très chauds dans une pâte souvent un peu lourde avec moins de lumière et d’atmosphère. L’aviation, le contact direct avec les grands espaces du ciel et de la mer, les tons plus froids de la nature m’avaient dégagé de cette manière trop cuisinée à mon avis."
La retrospective "55 ans de peinture" de 1952

Ci-dessous un extrait d’un article d’André R.-Barutaud paru dans le journal "Le Méridional" du dimanche 1er janvier 1956 :

"La première fois que j’ai rencontré Edmond Astruc, c’est en 1952. L’amour de l’art et je ne sais quel sentiment de curiosité m’avaient poussé vers la salle Moullot, où ce vétéran de l’École Provençale présentait "55 ans de peinture".
C’était une étonnante rétrospective groupant plus de cent peintures, gouaches, dessins de toutes les époques. Son œuvre maîtresse était "La marchande d’eau de mer", une imposante composition représentant une scène du Vieux-Port il y a cinquante ans, si vivante et si typiquement marseillaise qu’elle mérite sa place dans l’un de nos musées.
Ce tableau a une histoire. Edmond Astruc l’a abandonné pour ne le terminer que plusieurs années plus tard. "A l’époque où je l’entrepris, devait-il dire, les frères Wright venaient de réussir leur premier vol. J’étais torturé par l’aviation." Une vocation irrésistible allait transformer le cours de sa vie."

Astruc a aussi été influencé par la première exposition de Monticelli au Cercle Artistique, influence subie aussi par d’autres jeunes peintres marseillais comme Carrera, Bichebé, Agnelli, Mathieu Verdihan à sa première époque. Laissons-lui encore la parole :

"J’avais réalisé mes toiles d’Allauch en tons très chauds dans une pâte souvent un peu lourde avec moins de lumière et d’atmosphère. L’aviation, le contact direct avec les grands espaces du ciel et de la mer, les tons plus froids de la nature m’avaient dégagé de cette manière trop cuisinée à mon avis."
Une peinture qui évolue sans cesse

Laissons à nouveau Edmond Astruc s’exprimer lui-même :

"Ayant commencé depuis le 4 Novembre mes 78 ans j’ai l’impression que jamais ma vision de la beauté n’a été aussi grande et variée et je découvre là ou autrefois je ne voyais qu’un sujet banal des beautés que je m’efforce de sortir de leur cachette pour les faire voir dans mes peintures à tout le monde.
Il y a deux mois environ, j’étais en train de faire la place des Capucines ; un prêtre pressé, sa valise à la main, dans la direction de la gare s’est arrêté pile devant mon tableau et m’a dit : "Excusez-moi, mais permettez-moi de vous féliciter ; sans votre tableau je n’aurai jamais vu la beauté de cette place devant laquelle je passe souvent". Je lui ai répondu : "c’est le rôle du peintre"."
Astruc, dans son atelier, peint la lumière de Marseille avec une éclatante jeunesse, dans un esprit proche de celui d’Utrillo.
Photo parue dans le journal "Le Méridional" du dimanche 20 mars 1960.

L’aviateur

Les essais de construction d’avions et les premiers vols

Vers 1908, Edmond Astruc décida de transformer son grand atelier de peinture du 26 quai Rive Neuve en bureau d’études lui permettant de tester des maquettes d’avions. Il entreprit la construction d’un avion qu’il conçut entièrement : deux ailes décalées sans queue, deux moteurs 7 CV de motos de course Peugeot et deux hélices tournant en sens inverse et le châssis était un tricycle. Le montage se fit à Septèmes dans l’atelier de charronnage de Mr Brémond. Les premiers essais ont eu lieu à Calas, puis à l’aérodrome de Miramas où au premier attérrissage, tout s’est cassé.

Il a ensuite piloté, toujours à Miramas, deux monoplans construits par les Forges et Chantiers de la Méditerranée sur les plans de Mr Henri Blanc, avocat, et sur lesquels il a effectué des vols plus importants.

Son père étant décédé depuis, il a utilisé les locaux de la tannerie familiale de la rue Lessor pour construire un nouvel avion monomoteur (40 CV Grégoire Gyp inversé) sans queue et à plans décalés, avec lequel il a réussi quelques vols en ligne droite à l’aérodrome Gensoulin au Pas des Lanciers.

Constatant qu’il piétinait dans ses essais de construction d’avions alors que l’aviation française commençait à se développer, il se fit employer, sur les conseils de son ami Léon Cheuret, comme moniteur de l’école de Lyon-Bron, pour former les premiers pilotes militaires. Après quelques vols sur des Henri Farman, il est envoyé à Reims pour prendre livraison d’un des premiers avions militaires Henriot-Pommier, monoplan de cavalerie.

Sur ce même avion, il eu à l’aérodrome de Reims un très grave accident : au moment du décolage un des bracelets de caoutchouc tenant l’essieu a cassé et le train d’atterrissage est parti, faisant capoter l’avion à 100 km/h. Ce qui lui valu une fracture ouverte du fémur avec l’os broyé, la paupière coupée, la mâchoire démise et des contusions internes, soit quatre mois de clinique et un an de béquilles.

Avec un avion de "cavalerie", Astruc, moniteur militaire, a capoté avant 1914 à Reims : il a conservé ses éclats de tibia.
Photo Le Méridional
Aux chantiers d’aviation Henri Fabre

En 1913, à peu près rétabli de son accident, il entre comme pilote aux chantiers d’aviation Henri Fabre.

Henri Fabre, ingénieur marseillais, fut le premier à concevoir un avion qui décole et attérisse sur l’eau. Son premier hydravion, le "Canard", prit son envol sur l’étang de Berre le 28 mars 1910, valant à son auteur un prix de l’Académie des Sciences.

L’association d’Henri Fabre et d’Edmond Astruc commença avec un triomphe dans la première course d’hydroglisseurs, le meeting de Monaco au début de 1914.

En Juillet 1914, Edmond Astruc entreprit avec succès la remontée du Rhône en aéroglisseur. Partant du plan d’eau du Roucas-Blanc et s’engageant sur le Rhône à Port-Saint-Louis, il rallia Aix-Les-Bains sur le lac du Bourget. Il a du franchir plusieurs barrages en amont de Lyon. "Rien de plus simple, explique-t-il, il n’y avait qu’à cabrer l’appareil pour franchir les obstacles."

Au début de la guerre de 1914, il fut réformé dans son régiment d’infanterie, le 55ième territorial à Aix.

"J’ai essayé vainement de m’engager dans l’aviation. Le major Dt Darcourt (un ami) qui passait la visite des engagés volontaires a prétendu que mon cas de réforme empêchait mon engagement comme aviateur car en cas de chute chez l’ennemi je n’aurai pu me sauver en courant !"

Il retourne aux chantiers Henri Fabre où il met au point un glisseur-torpilleur, puis engagé comme pilote d’essais (à Saint-raphaël, à Toulon, puis à Marseille), s’occupe de la transformation d’avions terrestres en hydravions (glisseurs mitrailleurs, hydravions de bombardement) pour la Marine Nationale.

Remontée du Rhône de MARSEILLE à AIX-LES-BAINS, 1er Juillet 1914.
Astruc sur glisseur Fabre.
Une carrière d’aviateur bien remplie

Après la Grande Guerre, Edmond Astruc se consacre à la peinture, mais cette dernière ne suffit pas à faire vivre sa famille (crise de 1922 oblige) aussi décide-t-il de revenir à l’aviation avec l’intention de devenir pilote de ligne.

Parti pour Paris à la recherche d’un appareil de tourisme, il revint à Marseille aux commandes d’un prototype Potez 60. Le voyage se passait par étapes, en attérrissant fréquemment dans les champs pour se ravitailler, jusqu’à une arrivée remarquée dans le parc Borély.

Deux mois après, il transformait son Potez en hydravion et, basé au Roucas-Blanc, commença à développer le tourisme aérien. Laissons la parole au journal "Les sports de Provence" du 13 mai 1922 (image ci-contre) :

"Dans un but de vulgarisation, Astruc réussissant le projet que nous avions fait connaître en son temps, a transformé son avion Potez en hydravion et mercredi soir à la plage, les promeneurs ont pu assister aux essais officiels du nouvel appareil qui, gracieux et rapide, évoluait à 200 ou 300 mètres au dessus des flots. Nous disons à dessein le nouvel appareil, car si le Potez existait comme terrestre, c’est la première fois qu’on le voit évoluer comme hydro. Et les résultats obtenus font honneur aux qualités de technicien d’Astruc, autant qu’à sa virtuosité de pilote. Le sympathique aviateur a réalisé, seul, par ses propres moyens, ce que d’aucuns croyaient impossible : il a fait voler un hydro bi-place, muni d’un moteur de 60 HP. On peut dire que grâce à ce résultat, le tourisme aérien maritime, prend à dater de ce jour un essor nouveau... et démocratique.

(...)

Le lendemain, au cours d’une nouvelle sortie, Astruc emportait avec lui le poids d’un passager ; l’appareil décolait et évoluait aussi facilement que la veille. La plus complète réussite couronnait donc les efforts et l’opiniâtreté du sympathique aviateur."

Pendant la seconde guerre mondiale, Edmond Astruc a été mobilisé volontaire et affecté comme conseiller technique à la commission de réquisition des hydravions de la ligne Marseille-Alger, puis engagé successivement à la SNCAE à Marignane et à la SNCAN à Evreux et à Angoulème. Lorsque survient l’occupation, il rentre à Marseille pour ne plus s’occuper que de peinture.

Avion Henry Potez Type VIII A tandem moteur Anzani 60 HP.

Hommage de l’Académie de Marseille

Un grand peintre et un extraordinaire témoin de son temps

L’Académie de Marseille honore celui qui fut aussi un sportif complet (cycliste, nageur, rameur, yachtman, motard, gymnaste) et aussi un aviateur de l’âge héroïque.

Article écrit par Jean CHELINI de l’Académie de Marseille
Journal Le "Méridional - La France"
Dimanche 4 décembre 1977 :

L’Académie de Marseille vient d’inaugurer cette semaine une exposition rétrospective de l’oeuvre d’Edmond Astruc, le doyen de ses membres jusqu’à son décès, il y a quelques mois. Ces dernières années j’avais appris à le connaître et à l’apprécier et j’ai voulu à cette occasion redire aux méridionaux l’apport riche et original qu’Edmond Astruc a fourni à la peinture provençale. Retracer la vie de cet homme, c’est montrer combien l’idée que l’on se fait de l’artiste séparé du monde et vivant dans un univers particulier, loin de l’activité des engagements est fausse. Edmond Astruc a démontré magnifiquement comment on peut être à la fois un artiste et un homme d’action, sans cesser d’être un époux et un père de famille affectueux et attentif.

L’apprentissage de Marseille

Edmond Astruc dont l’extraordinaire longévité et la vitalité ont frappé tous ceux qui l’approchaient, aura raté de peu de devenir centenaire, puisqu’il était né le 4 novembre 1878 au Panier, rue Guintran, au coeur du plus vieux et plus pittoresque quartier de Marseille. Son père, un tanneur-maroquinier fort à l’aise, assura à ses trois enfants - Edmond avait un frère et une sœur - une enfance choyée et une bonne éducation bourgeoise. Edmond, après avoir fréquenté le petit lycée, devint élève au lycée Thiers. Il y passa plus de temps à dessiner qu’à apprendre le latin et le grec, passionné déjà pour les arts. Vers 1895, l’atelier familial s’était transporté au quartier Saint-Lazare, rue Lessort et son père permit à Edmond de travailler à mi-temps à la tannerie et de suivre l’après-midi les cours des Beaux-Arts, où enseignaient des maîtres comme Guindon. Edmond se partagea entre le métier paternel, la peinture et le sport.

Un grand sportif

Edmond Astruc avait pour le sport un attrait instinctif. Le sport cycliste connaissait un extraordinaire essort. Les premiers vélodromes étaient ouverts. Les champions marseillais de l’époque, qui s’illustraient sur la piste de Larchevêque, allaient aussi montrer leurs talents sur les pistes en terre de Lambesc, de Pertuis et de Marignane. Edmond Astruc était de ceux-là. Il avait la chance de pouvoir s’entraîner avec des "pros" de l’époque, les frères Reboul, Molinier, mais lui restait amateur. Il courait en "gentleman" avec Vlasto, Bouvier, Raoul Pollak et Rodocanachi et c’était le meilleur de tous. Vers 1900, il remporta au Parc Borely, le premier grand prix cycliste derrière tricycle à pétrole. Il m’avait dit il y a quelques mois qu’il ne se souvenait plus exactement de la date mais qu’il se rappelait avoir pédalé sur un vélo américain Cleveland, plus perfectionné que ses premières machines Rover et Ballis-Thomas !

Un indiscutable champion

En compagnie de ses camarades Bideleux, Gabriel Dard, les frères Brodeur, d’Harry Baur, Edmond Astruc fréquentait le gymnase de la rue Bergère et pratiquait aussi l’aviron. Sous les couleurs de la société nautique de Marseille, il remporta de nombreux trophées. Il fut champion de la Méditerranée en yole de mer à Asnières, ses coéquipiers étaient Chabat, Brodeur et Galizzia, lui-même était chef de nage. Il courut en outrigger et se classa avec Bailly deuxième aux internationales de Mâcon. Mais l’exploit le plus étonnant de l’époque, c’est celui d’avoir rallié Bandol à l’aviron d’une seule traite en partant du garage de la Nautique, installé en face de la rue Radeau. Gabriel Dard, père de l’international de football, faisait partie de cette fameuse équipée, entreprise de nuit et terminée avant midi. Edmond Astruc participait aussi aux régates à la voile sur un monotype Sébille. Il nageait comme un poisson et aurait bien pris part aux courses à la nage, mais les compétitions de natation n’existaient pas encore dans les eaux méridionales !

Vélo et gymnastique l’hiver, sports nautiques l’été occupaient largement ses loisirs lorsque la moto le conquit. C’était au retour de son service militaire. Il acheta une Peugeot puis se lança dans les compétitions sur Magnat-Debon. Une chute terrible lui coûta la victoire dans un Marseille-Nice et un an d’inactivité. Lorsqu’il enfourcha une moto à nouveau, ce fut pour gravir le Ventoux jusqu’au sommet. Une véritable "première" effectuée à trois, en compagnie de Vache et de Nicolas. L’exploit avait été réalisé sur une 7 CV Peugeot, qui permettait déjà d’atteindre des vitesses de 80 km/h. C’est ce type de moteur qu’il allait employer pour s’élancer pour la première fois dans les airs.

Un pionnier du ciel

Ce passionné de l’effort qui s’était jusqu’alors partagé entre plusieurs activités, sans jamais abandonner la peinture, va brusquement quitter ses pinceaux et consacrer tout son temps à l’aviation, alors à ses débuts et dont l’attrait s’exerçait fortement sur toute sa génération. Au temps des frères Wright, alors qu’à Marseille Henri Favre - qu’Edmond Astruc retrouva plus tard à l’académie - faisait ses premiers essais. Astruc décida de construire son propre avion, à Septèmes chez le charron du village. Les quatre ailes étaient entoilées et indépendantes. Le train d’attérissage était un tricycle en bois, comme l’hélice qu’il avait taillé dans un tronc de peuplier Tortuosa, dont le fil sinueux permettait d’obtenir plus aisément les courbes nécessaires ! Il réussit à voler à Calas en 1909.

L’année suivante, il vola à Miramas sur un appareil conçu par les frères Blanc et construit par les Forges et Chantiers de la Méditerranée. Il réussit quelques belles lignes droites à 20 mètre d’altitude en revenant au sol à plein moteur ! Il compléta sa formation à l’école des pilotes de Pas-des-Lanciers, puis à Lyon-Brom, sous la direction de Cheuret, chef pilote de l’école militaire d’apprentissage, lointaine ancêtre de notre école de l’Air ! Il vole sur des Farman, sur le premier avion militaire Henriot-Pommier. En 1913, Henri Fabre l’engage et lui fait piloter son prototype d’hydravion. Pilote d’essai des hydravions Fabre, Astruc met au point un glisseur sans ailes, avec un moteur Gnome rotatif de 120 chevaux. Il triomphe au meeting de Monaco à Pâques en 1914, à 60 km/h de moyenne. Grâce à ce même appareil, il réussit l’exploit de remonter le Rhône depuis Port-Saint_louis jusqu’à Aix-les-Bains, auquel la télévision française a consacré une émission dans la série "Les Coulisses de l’Exploit".

Désormais, Astruc n’abandonnera jamais plus l’aviation, maigré un un grave accident qui l’immobilisera un an, à la veille de la guerre de 1914. Pilote d’essai militaire pendant tout le conflit, il reprit du service comme ingénieur technique chez Pothez à Evreux en 1940. Mais il avait pratiqué d’autres activités sportives qu’il conserva jusqu’à un âge très avancé.

A 82 ans, il passait encore un mois en mer, quittant Marseille en catamaran, pour se rendre jusqu’à la Tour Fondue, près du fort de Brégançon, en cabotage artistique ! Il avait à bord son matériel de peintre et il s’arrêtait là où le paysage l’inspirait.

Peintre de la Provence

Cet homme si habile de ses mains, nous a laissé une œuvre peinte abondante et de grande qualité, qui constitue la partie la plus durable de son héritage artistique. L’aisance que lui avait donné sa famille, les loisirs dont il disposait, lui permirent de se consacrer à son art, sans avoir le soucis du quotidien. La longévité de sa carrière lui a donné le temps d’affiner sans cesse un talent présent dès l’origine.

La vocation d’Edmond Astruc a d’abord été celle du dessin. Le goût des formes ne l’a jamais quitté. Astruc a toujours soigné le dessin et il entreprenait beaucoup d’études et d’esquisses avant d’entamer la composition du tableau. Amoureux de la nature, il peignait toujours sur le motif : "On ne saura pas mieux faire que la nature, il ne faut pas tricher avec la nature", aimait-il à répéter. Son goût pour les paysages naturels ne fera que se renforcer avec le temps ; vieillissant, il s’étonnait : "Je découvre maintenant des motifs que je ne voyais pas avant".

Peintre de la Provence, Edmond Astruc s’est très rapidement imposé dans le milieu des peintres méridionaux par quelques expositions retentissantes chez Detaille dans sa galerie de la Canebière, ou chez Moullot, au coin de la rue Paradis.

En 1956, une première rétrospective regroupe chez Moullot une centaine de toiles, de gouaches, de dessins sous le titre : "50 ans de peinture", qui montre sa réelle maîtrise et confirme le succès que d’autres expositions avaient recueilli à Paris et en Province. Plusieurs musées nationaux, dont le musée Cantini à Marseille, font l’acquisition de ses toiles. Élu à l’Académie de Marseille en 1936, dans la classe des beaux-arts, il obtint de nombreuses récompenses pour ses tableaux et fut considéré à la fin de sa vie, comme l’un des maîtres incontestés de l’école provençale contemporaine.

Un témoin de son temps

L’œuvre d’Edmond Astruc offre une grande variété de sujets et de palette. Lors de la rétrospective de 1956, le public avait beaucoup admiré une grande composition La marchande d’eau de mer, représentant une scène très animée et très colorée de la vie du port de Marseille vers 1900. Son atelier du Roucas-Blanc, rue Emile Duployé, sur qui veille jalousement sa femme née Julia Schmidlein, qu’il avait épousée en 1926, et sa fille Laurence Guy-Raulin, constitue un véritable musée de l’œuvre peinte du grand maître marseillais. On y retrouve un admirable auto-portrait du peintre vers la cinquantaine, de très beaux paysages marins ou campagnards, une vue saisissante des bâtiments de la mairie de Marseille, au milieu d’innombrables scènes de la vie marseillaise, dont il a su rendre l’âme et l’esprit. Intime d’une Provence où il était né, familier de Marseille où il a toujours vécu, Edmond Astruc a non seulement été un extraordinaire peintre de la lumière méridionale, mais aussi un authentique témoin de son temps.